Le jardinage est une chose futile.
Il y a 20 ans à Leeds Castle, j'ai vu des torrents d'Anemone blanda qui dévalaient bleus des talus herbeux à la lisière des bois.
J'en ai acheté quelques tubercules l'automne suivant, un peu de bleus et un peu de blancs. Je les ai plantés à mi-ombre, entre le parking et l'entrée, pour les avoir à l'œil. Bien que gréco-turcs, ils ont très bien supporté nos frimas et se sont ressemés par-ci par-là aux endroits les plus imprévus: entre deux dalles, au milieu d'une touffe de Geranium et même chez la voisine.
Quand notre prairie et l'allée boisée qui la longe ont pris forme, j'ai rêvé d'une rivière bleue. J'en ai planté beaucoup. Après 2 ou 3 ans, certaines parties commencent à bien se couvrir de bleu, mais d'autres non. Dans 1/2 m² le bleu devient dominant et je devine des bébés, mais dans le 1/2 m² voisin, rien que du vert.
J'essaye de comprendre. Ces anémones semblent préférer la face Sud du pied des arbres à celle du Nord, la mousse à l'herbe et aux feuilles mortes. La lisière de Leeds Castle devait être orientée au midi alors que la mienne regarde l'Est. Pas encore de rivière donc, mais de maigres flaques éparses. Ce n'est pas grave et peut-être bien ainsi.
Les caprices des anémones paraissent d'ailleurs bien futiles par rapport à la furie du Monde. La politique, l'économie, le travail sont absolument nécessaires. Malheureusement. Malheureusement parce que les hommes en perdent souvent la tête et en viennent à faire la guerre.
Le jardinage, comme le tricot, le jogging ou le pipeau, cultivent le beau, l'éphémère, la patience, la couleur, ... Toutes des choses si futiles qu'elles donnent aux hommes la mesure du dérisoire et les met à distance des choses indispensables, des choses indispensables qui doivent être au service du futile et non le contraire.
N'aurions-nous pas oublié d'apprendre à nos enfants l'importance de la futilité, cette mélodie de la vie?
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