Je n'aime pas voir la terre.
J'adore la gratouiller et la tripoter, mais quand je prends un peu de distance pour apprécier un massif, je n'aime pas la voir.
Je me souviens avoir visité il y a fort longtemps Tintinhull, dont je rêvais après avoir lu et relu les bouquins de Pénélope Hobhouse, et en être ressortie presque dépressive. Des plantes maigres et décharnées surnageaient parmi des vagues de terre brunes et vides qui les submergeaient presque. Pénélope n'était plus aux manettes depuis deux ou trois ans, c'était évident!
J'en ai vu beaucoup de ces jardins où par souci de netteté, le contact d'une feuille étrangère était interdit, où chaque touffe était isolée de sa voisine par un no man's land désert et morne. Au point parfois que l'unité du jardin, au lieu des formes et des couleurs, était tenue par ce brun boueux et omniprésent.
Pourtant j'apprécie les jardins à la ligne claire et à l'architecture bien lisible, les bordures tirées au cordeau et le pelouse tondue de près.. Mais j'adore tout autant l'exubérance et la joie de vivre du végétal. Et l'un n'empêche pas l'autre!
Bien sûr, aux saisons froides, quand la verdure se replie, la terre réapparaît. C'est inévitable. Mais quand elle se réveille, pourquoi ne pas la laisser vagabonder un peu ? La Nature a horreur du vide et a bien raison!
Bien sûr il faut entretenir pour maintenir l'équilibre, pour éviter qu'une plante soit envahie par ses voisines ou des adventices, et surtout pour mettre en évidence la netteté du tracé. La propreté est alors un moyen. Mais quand elle abandonne ce rôle pour devenir un but, que devient l'esthétique ?
Les plus beaux jardins utilisent et canalisent très bien cette énergie vitale au service de la beauté. Jamais la terre ne reste improductive. Les plantes se répètent puis se succèdent. Et l'entretien - bien plus énergivore que le nettoyage par le vide - demeure parfait. L'abondance encouragée reste claire. Tout le talent du jardinier est là!
PS: J'ai volontairement choisi des photos prises mi-mai dans des jardins anglais, imprégnés d'atmosphères bien différentes.
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