Le 20è siècle a commencé fort.
Les fleurs du jardin affichaient alors des couleurs criardes: jaune, rouge, bleu et orange vifs, alignés avec géométrie, et dessinant une tapisserie basse, aveuglante pour nos yeux délicats du 21è siècle. Chaque année, salvias, tagètes, bégonias et impatiences, repiqués par une armée de jardiniers serviles, traçaient un motif différent, mais toujours raide et bruyant.
Etrange cet amour des couleurs éclatantes pour une époque prude qui abandonnait tout juste la crinoline et préférait encore les toiles sombres de Delacroix à celle de Monet qu'elle découvrait à peine. Les colonies et la découverte de la flore exotique chamarrée doivent y être pour quelque chose.
Avec G. Jekyll, tout a changé. L'impressionnisme, enfin apprécié et compris, a révélé la force des harmonies chromatiques soigneusement élaborées et le rôle des couleurs complémentaires. Les jardiniers "jekylliens" ont adoré les teintes tendres tellement mieux accordées à nos cieux gris. Les bleus, parme, lavande, roses et blancs, très délicatement relevés de gris ou de jaune pâle, acquièrent une force étonnante et subtile sous nos soleils timides. Fini aussi les alignements. Les plantes sont associées en bouquets et touffes qui se succèdent le long d'une promenade.
Parfois ils ont osé les couleurs chaudes, mais rien qu'une à la fois, noyée dans les feuillages.
Parce que le vert, teinte fondamentale de la nature, est devenu enfin une couleur à part entière au jardin. On le décline sous toutes ses formes et dans toutes ses variantes, dorées, pourprées ou grisées, pour mêler plus intimement les autres couleurs utilisées et les adoucir encore.
Depuis notre regard a évolué, il rejette violemment le style victorien suranné, mais un siècle plus tard, il reste toujours admiratif devant la délicatesse des associations initiées par G. Jekyll.
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