Le printemps exagère. L'an dernier, il freinait des quatre fers à rendre fous les jardiniers impatients. Cette année c'est tout le contraire. Il cavale et accélère. Tout démarre en même temps: les pois, les carottes, les tulipes et les narcisses. Quelques pivoines s'apprêtent à fleurir et les premiers magnolias, essoufflés par tant de vitesse, laissent déjà leurs pétales tomber.
Sans conscience de l'urgence, sans même avoir terminé les préparatifs du printemps, j'ai abandonné le terrain pendant dix jours. Dix jours seulement et je le retrouve hirsute et échevelé, comme un adolescent trop vite grandi. Le travail est énorme, les bras m'en tombent .... J'essaye tant bien que mal de positiver, de voir le verre à moitié plein et d'apprécier les fleurs malgré la sauvagerie du décor.
Parmi les petits trésors de saison, il y a la bien nommée Primula veris, la vraie primevère, pas celle des collectionneurs ni des supermarchés, celle des fossés de mes vacances. Elle est presque inexistante dans ma région. Mais au gré de mes promenades françaises, j'en ai ramené des graines. Tout de suite elle s'est plu et s'est multipliée un peu partout. Je ne sais plus où ni quand j'en ai acheté une variante cuivrée, 'Sunset Shade', plus petite, avec laquelle elle se croise, déclinant couleurs et hauteurs, du jaune au bronze et de l'élancé au trapu.
C'est dans le jardin blanc que je la préfère. Elle éclaire les Pulmonaria 'Sissinghurst White', les hellébores blanches et le Chaenomeles 'Nivalis'. L'automne dernier j'ai planté des Narcissus 'Pipit' qui tardent un peu à fleurir. Il faudra que j'y ajoute des Heuchera 'Citronelle'. En rêvassant à cette idée, mes yeux sont brutalement tombés sur une incongruité, un détail étrange et détonnant, une couleur excentrique dans un jardin blanc pourtant plus très blanc:
une Primula veris magenta à coeur jaune, fière et altière, fraîche et innocente !!!
J'ai tout de suite appelé Olivier toujours étonné que je m'émeuve d'aussi peu et j'ai marqué l'emplacement avec quelques cailloux. Elle s'appellera 'Promesse', ou 'Surprise'. Non, ce sera plutôt 'Courage'.
Et d'un coup mon moral qui s'approchait des chaussettes est remonté au beau fixe. J'ai empoigné brouette et outils et suis parti recoiffer mon jardin trop pressé.
Actus:
L'association Areghat, à vocation historique, a créé un jardin botanique médiéval à Brain-sur-Allonnes (Maine-et-Loire). Plus de 800 plantes y sont rassemblées. Il s'agit de préserver les espèces cultivées alors, et de retrouver leur intérêt.
Des stands présentent les végétaux et expliquent les techniques utilisées en teinturerie, médecine, etc... Cet espace étonnant et instructif est ouvert régulièrement au public.
Les commentaires récents