J'ai toujours posé sur les fameux pavots bleus de l'Himalaya un regard dubitatif.
Je suis heurtée par leur bleu électrique et artificiel, trop semblable à celui du plastic des bouteilles d'eau, des seaux et des bassines. Excentrique et criard, il anéantit tout ce qui l'entoure. Et aveuglés, nous ne voyons plus rien de son voisinage.
Mais tout à la fois, je suis fascinée par cette couleur étrange. Mon regard tente une échappée, jette quelques œillades par-ci par-là, mais revient illico vers elle, envoûté par ce bleu cobalt, si original pour un végétal et si fort pour des pétales fripés et fragiles.
J'aime ou j'aime pas ? Perturbée ou aimantée ? Je ne sais pas! Au printemps dernier, trois visites de jardin ont éclairé ma position.
A Harlow Carr et aux Jardins de Bellevue, j'ai d'abord appris qu'il en existait non pas une mais au moins quatre ou cinq espèces selon l'humeur des botanistes.
- M. baileyi, tibétain, sans stolons est très proche de M. betonicifolia du Yunnan, pourtant stolonifère, avec lequel certains botanistes le confondent. Tous deux sont des vivaces éphémères d'environ 1m de haut.
- M. grandis, tibétain et népalais est plus grand encore (1,5m) et ses fleurs souvent plus pourprées peuvent attendre 15 cm de diamètre.
- M. simplicifolia, toujours de la même région, produit des fleurs bleu pourpré aussi ,mais ne dépasse pas 50 cm de haut.
- M. horridula peut égaler M. betonicifolia en hauteur mais avec des fleurs plus petites à cœur noir.
Les trois dernières espèces sont monocarpiques , ce qui signifie qu'elle meurent après la production de graines.
Dans ces deux mêmes jardins, j'ai vu aussi des hybrides intra ou inter-espèces, dont les couleurs pouvaient varier du bleu très clair au violet cardinal en passant par le mauve pourpré, riche et profond. Des teintes tellement plus faciles à accorder que leur bleu habituel si extravagant!
Puis à Gresgarth Hall, j'ai eu le coup de foudre.
Ils n'étaient pas exposés sur un sol propre et nu comme une vitrine de magasin, mais vivants, ondulant au vent, jouant avec les primevères et les fougères, résonnant au chant du ruisseau et s'adossant aux azalées rose tendre. Ils n'écrasaient rien du tout, mais leur bleu céruléen encourageait les fleurs voisines, qui sans lui auraient sombré dans le mièvre et le compassé.
Me voilà enfin réconciliée avec ces pavots plus subtiles et nuancés que prévu. Mais je n'en cultiverai jamais. Il leur faut un sol et une atmosphère ni chauds ni détrempés, mais toujours frais et humides. Le Nord de l'Angleterre leur convient bien mieux que mon jardin!
Actus:
- Dans quinze jours (20 et 21 avril) aura lieu la deuxième session des rencontres botaniques de Varengeville-sur-mer sur le thème "Du vent dans les cultivars". Au programme visite guidée de Varengeville, du bois de Morville, du Bois des moutiers, de l'étang de l'Aunay, exposés de Marc Jeanson et Mark Brown, etc...
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