Il y a une petite vingtaine d'années - Dieu que le temps passe! -, vous me parliez de topiaires et je vous envoyais balader, accompagnés d'un cortège d'invectives colorées - Dieu que j'étais jeune! Mais à force de temps, de patience ouverte, d'observation tolérante et de critiques mesurées - Dieu que j'ai vieilli ! - , ils me sont devenus beaux.
Oh pas tous, pas toujours et pas dans toutes les circonstances. Il y en a que je continue à mépriser. Les topiaires raides aux formes figuratives nettes, alignés, accumulés, entreposés sans rien d'autre autour, sans aucun autre décor que leur morne et dure silhouette, sans rire, sans douceur, sans rien, rien que de la propreté et de la netteté, me rebutent toujours avec la même force.
Mais il y en a qui me plaisent. Ils me plaisent quand ils me font sourire. Quand le jardinier se rit de l'excès d'ordre qui sommeille en nous, quand il l'exacerbe et le ridiculise. A ce moment seulement, le propre devient drôle et le drôle presque beau. A Séricourt, Y. Gosse de Gorre a réussi ce saut périlleux.
Ils me plaisent aussi quand, caressés par des dizaines d'années, voire des siècles de cisaille douce, ils sont alourdis du temps passé immobiles, ils se sont assouplis et arrondis, bombés et creusés au gré d'une pousse vigoureuse par là, ténue par ici, au gré des rêves du jardinier enthousiastes ou fatigués. Alors, nobles et pesants, sombres et forts, ils marquent de majesté et d'histoire, de courbes et d'étrangeté les lieux qu'ils habitent. Comme à Levens Hall où ils remonteraient au 17è siècle qui les appréciait tant.
Je les aime aussi et surtout quand leur précision n'est pas seule, quand elle joue avec un décor contradictoire. Des herbes qui se meuvent à leur pied deviennent fortes alors qu'eux, si tenaces pourtant, mais frôlés de près par le doux, se brouillent et se floutent. Des narcisses jaunes éparpillés par hasard et par centaines à leur pied ensoleillent leur forme sombre.
Au Mont des Récollets, bien plus que moi encore, E. de Quillacq et B. Caron adorent ces contrastes. Devant la maison des ifs à plateaux se balancent avec les bulbes et grimpent avec les rosiers. Plus loin, les buis roulent leur dé gardés d'aubépines rieuses.
Avec eux, les topiaires deviennent doux et gais, lumineux et souples. Un régal!
Actus:
- Je viens de mettre en ligne un petit reportage sur le Jardin du Mont des Récollets. Je suis impatiente de lire vos impressions.
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