Le jardin, c'est tout !

Les malheurs d'une jardinière étourdie.

Le jardinage à quatre mains n'est pas facile, mais avec soi tout seul c'est parfois bien plus compliqué.

Il y a deux ou trois ans, lors d'une de mes balades matinales, tout au bout du bout du jardin, dans le no man's land qui nous sépare du voisin, je suis tombée en arrêt devant une fleur orange au sommet d'une tige grêle. J'ai tout de suite reconnu l'épervière orange, et vérification faite, c'était bien une Hieracium aurantiacum. Il faut que je la montre à Olivier ce soir, me suis-je dit.

Un soir et même deux soirs ont passé, et le troisième enfin, tout en épluchant les pommes de terre, dans un sursaut de conscience:
- Dis Olivier, tu as vu la petite plante orange qui pousse tout au bout du jardin ? Tu te rends compte, c'est une épervière. Elle est arrivée ici tout seule. Incroyable, hein ?
- ...
- Tu l'as vue en tondant, non ? Tu sais, elle vraiment pile sur la limite avec le jardin des C. Viens je vais te la montrer. Comment as-tu pu louper une beauté pareille?
- ...
- Qu'est-ce qui se p... Quoi ? Tu ne vas pas me dire que tu l'as arrachée ??
- .... Si!

S'ensuivit un échange appuyé que je préfère taire ici, sous peine de ternir ma réputation. Heureusement, une petite heure a suffi à m'apaiser, mais je suis du genre obstiné. Si elle est venue spontanément jusqu'ici, c'est que le terrain lui convient. Et si elle se plaît, elle se ressèmera. Ce serait très joli d'en disperser dans le jardin jaune parmi les graminées ...

Et voilà qu'il y a dix jours, lors de notre équipée liégeo-hollandaise, dans un merveilleux petit jardin, j'ai croisé de somptueuses épervières, altières et vagabondes, qui s'insinuaient jusque dans les dallages. Par chance, la jardinière des lieux en vendait quelques pots dans la pépinière attenante. J'ai évidemment sauté sur l'occasion.

Une semaine plus tard, je trouve enfin le temps de planter mes nouvelles acquisitions . Fière et décidée, je pars vers le jardin jaune, l'épervière sous la bras gauche et la bêche à droite. Chemin faisant, mon fils m'appelle:
- téléphone pour toi! Grouille, c'est urgent!
Je me libère de mon colis et cours répondre à ce coup de fil, aussi peu urgent qu'insignifiant! Après une dizaine de minutes, je reprends le chemin du jardin jaune. Mais où ai-je déposé l'épervière ?

Vous me croirez ou non, mais cela fait quatre jours qu'Olivier et moi cherchons ce fichu pot ! J'ai du le déposer au milieu d'autres plantes qui le cachent, ou dans les hautes herbes de la prairie. Peut-être ai-je cru le transporter, ... ou peut-être même l'ai-je déjà planté sans m'en souvenir...

Et pendant que je me perds en hypothèses infructueuses, l'épervière abandonnée doit mourir de soif ....

La pépinière Marny's près de Maastricht

Mais pourquoi n'y a-t-il donc que les pépinières hollandaises qui fassent cela?

A côté des plantes mises en vente, soigneusement alignées dans leur godet, ils disposent les pieds mères dans un jardin accessible au public. Et plutôt que d'assommer le patron avec mille et une question à propos de ces petits bouts de verdure, somme toute peu suggestifs, le flâneur - acheteur - rêveur se balade dans le jardin et y fait mille rencontres enchanteresses.

Tenez, le week-end dernier, grâce à C., une amie jardinière, j'ai découvert, dans la grande banlieue de Maastricht, la pépinière Marny's.

Après une bonne demi-heure passée courbée en deux à scruter pots et étiquettes, je me suis éclatée parmi les plantes mères.

Indigofera kirilowii	Digitalis 'Glory of Roundway'
Molopospermum peloponnesiacum	Dianthus armeria

- Heps, venez-voir cette digitale 'Glory of Roundway'! Elles est superbe, non ? Vite, je note son nom, il me la faut!
Puis une amie me tire par la manche.
- Tu connais le Molopospermum peloponnesiacum ? Une ombellifère qui ressemble à une fougère. Avec un nom pareil, elle doit résister à la sécheresse. Au gel c'est autre chose. Tant pis, je note aussi.
Un peu plus loin, dans l'Indigofera kirilowii, je pense reconnaître l'indigotier repéré à Bury Court. Dommage, il n'y en a plus.
- Et le Dianthus du jardin visité hier, tu l'as vu ? C'est celui-là. Dianthus armeria. Quelle finesse!

Et je n'ose même pas vous parler des 5 sortes d'acanthes, des sanguisorbes panachées, et des Thalictrum inconnus....

De notes en découvertes, tiraillée entre l'enthousiasme et la raison, j'ai acheté exactement 8 plantes pour 24 €.

Après tout, ce n'est qu'à 1h30 de chez moi... J'y retournerai sûrement!

Le formel dans les jardins anglais

Ceux qui découvrent les jardins anglais pour la première fois éprouvent souvent une vive surprise. Moi aussi, j'avais été très étonnée.

Vu du continent, à travers le voile de nos lectures incomplètes et de nos rêves, nous imaginons ces jardins insulaires tout en rondeur et souplesse, nimbés de fantaisie et de naturel. Or, la plupart sont construits sur une assise formelle très présente.

Notre imaginaire inconscient en est peut-être resté aux jardins paysagers du 18è, aux douces collines parsemées de bosquets de chênes, d'îlots de peupliers d'Italie et de saules pleureurs frôlant les eaux sombres d'un étang, aux paysages reconstitués de Capability Brown, empreints de faux naturel et de romantisme réel.

Mais tout cela est passé, les Anglais ont voyagé et pris le temps d'adorer les jardins italiens via les jardins français. Ils ont intimement mêlé ces influences, mélangé les formes et la rigueur continentales au naturel surveillé des romantiques.

Ils osent marier broderies de buis et herbes folles. Ils plantent des topiaires sophistiqués au milieu des prairies et soulignent les massifs foisonnant de haies strictes. Ils juxtaposent sans cesse les formes nettes et floues, le construit et le désordre apparent.

Et l'œil continental étonné, s'habitue très vite à ces mariages inattendus. Dès le troisième jardin, c'est l'enchantement.

Le secret des Hosta

J'ai enfin compris le secret des Hosta.

Pendant une bonne dizaine d'années, j'ai rêvé de ces plantes obèses, énormes et bleutées, qui donnent tant de chien aux coins ombragés d'un jardin. J'ai imaginé leurs feuilles caressant mollement les eaux sombres de l'étang et le cercle du jardin vert ceint de leur frondaison marbrée et panachée.

Les Hostas de Hill Grounds

Je me suis appliquée à leur creuser un nid douillet de terreau et de tourbe, amendé d'un délicieux compost maison. Au moindre coup de chaud, je me suis précipitée à leur chevet pour les inonder d'eau fraîche.

Mais les résultats furent désespérément pitoyables. Chaque été, leurs membres pantelants tenaient plus de la dentelle que de la feuille et les granulés bleus, répandus parfois par poignées, étaient sans effet. C'était sûrement de la faute de nos limaces, bien plus goulues que ces anorexiques d'anglo-saxonnes. Dépité, j'ai distribué nos Hosta moribonds à tous les amateurs de passage.

Jusqu'au jour où, de manière tout à fait fortuite, j'ai eu une illumination.
Notre terre, mêlée de charbon, est très légère et drainante. Pour en améliorer la rétention d'eau, nous nous sommes fait livrer plusieurs m³ de terre argileuse, additionnée de compost, que nous avons épandus sur les massifs. Ils ont bien appréciés. Nous avons stocké le reste dans un coin du jardin.

Hosta au nom perdu, planté dans un pot enterré et décoré de quelques pétales de Rosa 'Constance Spry'...

Avec la rage des vaincus, j'ai essayé de sauver les derniers pieds de Hosta qui agonisaient près de l'étang, en les plantant dans deux grands pots remplis de ce que j'avais sous la main, c'est-à-dire, de terre argileuse. Et ce fut le miracle! De malingres, les deux plants sont devenus costauds et moi très fière. Etait-ce le signe d'un changement d'appétit de nos limaces ? Ou l'aide de Saint Fiacre, le patron des jardiniers ? Je n'ai plus l'âge de croire aux fées. L'inconsciente bienfaitrice, était, à l'évidence la terre lourde collante.

J'ai multiplié les expériences, varié les pots, hors sol ou enterrés, la couleur et la forme des Hosta, et le taux de réussite n'a plus jamais décollé du 100% !

Moralité, les Hosta détestent le terreau et les terres qui s'effritent, mais leurs racines adorent se faufiler dans la glaise collante. Essayez et vous serez réconciliés aves ces plantes que je croyais réservées aux îles britanniques.

Gressinis au romarin et au parmesan

Pour améliorer l'ordinaire de ce week-end ensoleillé, j'ai eu envie de préparer ces gressinis. Il y a si longtemps que j'en ai recopié la recette que je ne sais plus du tout d'où elle provient!

J'ai adoré leur parfum et leur texture sablée feuilletée, mais je les ai taillés si longs et fins que l'exercice de la trempette dans la tapenade s'est terminée en petits morceaux et gros fous rires.

Je pense qu'en remplaçant le parmesan par du comté on obtiendrait une meilleure résistance.

Ingrédients pour 10 personnes environ.

- 250 gr de farine
- 125 gr de beurre
- 100 gr de parmesan
- sel
- poivre
- 2 gr de romarin bien sec.
- 4 jaunes d'œufs
- 80 gr de crème.

Hacher au robot le romarin. S'il est bien sec, c'est nettement plus facile.
Mélanger du bout des doigts la farine avec le beurre, le fromage, le sel, le poivre et le romarin. Ajouter les jaune d'œufs et la crème et mélanger sans pétrir. Recouvrir d'un linge et mettre au frigo pendant deux bonnes heures.

Etaler la pâte en une longue bande d'environ 20 cm de large. Replier les deux extrémités pour qu'elles se rejoignent au centre puis plier en deux l'ensemble. Vous devez obtenir un rectangle composé de quatre couches. Tourner le pâton d'un quart de tour de façon à avoir le petit côté face à vous. Roulez à nouveau une longue bande de 20 cm de côté et repliez la de la même manière. Remettre au froid pour deux heures environ. (La méthode en dessin ici)

Abaisser en un long rectangle de 20 cm de large et environ 3mm d'épaisseur. Découper des allumettes de 20 cm de long, pas trop fines ni trop épaisses. Attention, elles gonflent légèrement à la cuisson.

Cuire 12 à 15 min dans un four préchauffé à 150°C.

Les souches d'arbres ...

Les souches d'arbres abattus sont toujours un problème au jardin. Je n'y vois que deux solutions. Soit on les extrait, soit on les laisse sur place.

La première formule nous a toujours faits frémir. Imaginez une chenillette, armée de vérins, creuser d'ornières le gazon-trésor d'Olivier et arracher les racines de l'arbre défunt, laissant derrière elle un cratère digne de Verdun après un tir d'obus. D'horreur nous avons chaque fois choisi la deuxième option. Les ultimes vestiges de nos chers disparus sont donc restés plantés là, mais ces masses éparses et incongrues ne sont pas très jolies. Et à la longue, je crains que notre jardin ressemble à un cimetière sylvestre.

Au deuxième plan, la spirale de buis qui entoure la souche du tilleul remplacé par un Malus tchonoskii et à l'arrière plan, le Catalpa malade

J'ai tenté de masquer la souche de notre grand tilleul par une spirale de buis encore en formation. Mais tout près de là, le Catalpa est occupé à tourner de l'oeil. Sa fin de vie est programmée pour l'automne. Que faire de sa base égarée dans un coin du jardin jaune ?

Une fois de plus, c'est en Angleterre que j'ai trouvé la solution, à Steane Park plus exactement. C'est un très beau jardin dont la partie basse est sillonnées de canaux et d'anciens viviers. Lady Connor y a aménagé d'intéressantes zones marécageuses .

Dans un coin plus sauvage, j'ai été surprise par un tronc taillé en forme de siège pourvu d'un dossier. C'est exactement ce qu'il faut à notre Catalpa! Il se transformera en coin repos, parfaitement bien situé dans un coin légèrement ombragé, d'où on pourra contempler les fleurs jaunes se mêler aux graminées. Je suis certaine qu'il appréciera cette reconversion. Malheureusement, il faudra contempler en solitaire. Le tronc est trop étroit pour autoriser les conversations...