Je n'avais jamais imaginé qu'il était possible d'éprouver autant de passion pour le jardinage en général et pour la taille en particulier. Je me range avec lucidité dans la catégorie très marginale des jardidingues. De ceux qui s'agenouillent sur le sol gelé pour sourire au premier perce-neige et récurent en catimini les troncs de leurs bouleaux pour les faire beaux. Mais depuis la fin de l'hiver dernier, je sais qu'il en existe de bien plus ensorcelés.
Je vous ai déjà parlé ici du Prieuré d'Orsan. Les jardiniers y ont pris le parti de la taille systématique. Tout est ciselé, guidé, palissé, conduit, biseauté. Les hêtres, les noisetiers, les poiriers, les groseillers et les rhubarbes. Sous leur sécateur, la taille devient sculpture et la cisaille magicienne.
J'avais toujours visité ce jardin en été lorsque les feuillages masquaient leur minutieux travail. Mais en mars dernier, lorsque les bourgeons dénudés attendaient encore le signal de départ, j'ai découvert la puissance de la passion qui les anime. Chaque branche est jointe à son support par un lien qui se fond dans le décor. Les dards échevelés des poiriers et pommiers sont lestés de petits poids en bois ou en pierre pour les courber comme il faut. De discrètes esquilles de bois séparent les coursonnes trop proches. C'est vrai que les fruits qui se touchent, gâtent plus vite. Des tendeurs ingénieux arquent les branches des fruitiers pour encourager la fructification.
Tous ces gestes d'une adresse et d'une patience infinies ne sont pas faits pour être vus. Le visiteur qui par hasard s'en aperçoit rit de ce qui lui semble puéril voire inutile. Mais ces petits riens qui prennent un temps fou trahissent un souci du travail bien fait et un amour du jardinage qui me laissent pantoise d'admiration.
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