Je suis toujours étonnée par le nombre de jardiniers qui craignent la ligne droite. D'où leur vient cette méfiance ? Il y a de magnifiques jardins bâtis sur la ligne droite, comme de très beaux conçus sur la courbe. Au plus profond que je réfléchisse, il me semble que le jardin à la française a créé un traumatisme de ce côté de la Manche, chez ceux qui en ont trop vus.
Le jardin à la française, à son apogée au 17è siècle, est le prolongement géométrique et architecturé du château. Il est l'affirmation de l'autorité humaine, et même d'un seul homme, sur le désordre de la nature.
Chenonceau |
Tout cela est passé de mode, c'est vrai, mais a produit de bien belles choses qui valent la peine d'être admirées pour ce qu'elles sont.
Même les Anglais, très attachés au style paysager et pittoresque, se sont pris au jeu. Le Duc de Marlborough, victorieux de Louis XIV, s'est fait offrir par la reine Anne, le château de Blenheim, digne de Versailles, assorti d'un jardin formel impressionnant. Y aurait-il de la concurrence dans l'air ?
Blenheim. |
Depuis, les Anglais ont continué à utiliser dans leurs jardins, le droit et le formel comme le courbe et le flou, sans le moindre complexe, en passant de l'un à l'autre avec joie et dextérité.
Hestercombe. Jardin dessiné par Edwin Lutyens et planté par Gertrude Jekyll au début 20è s. |
Mais ici, sur le continent, il y a comme un blocage. Nous associons toujours la ligne droite et le jardin formel à l'absolutime qui les a utilisés et glorifiés. Nous calons encore devant la ligne droite qui, inconsciemment, nous replonge dans nos funestes servitudes.
C'est bien dommage. Le temps a passé, les choses ont changé. La ligne droite, dépouillée de ses oripeaux idéologiques, peut dessiner de très jolies choses.
J'espère ne pas trop vous ennuyer avec mes réflexions historico-horticoles. Elles me viennent à l'esprit en gratouillant le sol des heures durant et ne valent guère plus qu'un coup de grelinette dans une motte récalcitrante....
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