Stop! Il faut impérativement lire le 1er épisode qui se trouve ici avant de vous plonger dans la lecture de celui-ci! Bonne lecture.
A 8h30 précise, Raymond Evison sonne à la porte du Collège, rue Rakowiecka. Le vieux père portier ouvre et lui indique le chemin vers le jardin. Frère Stefan Franczak s’y trouve sûrement, vu qu’il y est tout le temps. Dès l’entrée du parc, Raymond Evison aperçoit bien, tout au bout, la silhouette qu’il recherche. Mais pour le rejoindre, il prend son temps. Il traverse les massifs, admire les Hémérocalles en pleine floraison et scrute avec délice, chacune des clématites que son regard croise. Il y en a partout: sur les arbres, dans les rosiers et contre les clôtures. L’une d’entre elle attire son regard. Magnifique, elle explose de petites fleurs pourpres. Sûrement une obtention du Père Stefan. Il faudra qu’il lui en parle. |
Le père l’emmène dans un autre coin de la pépinière et lui parle des plus jeunes qu’il teste toujours. Certaines n’ont pas de nom encore. ll y a ‘Anna Karolyna’ qui va peut être vous intéresser. Regardez ses 8 pétales blancs, plus larges que le pouce et ses anthères pourpres qui se détachent bien sur la fleur. Il lui parle aussi du petit combat patriotique qu’il mène en douceur et à sa manière. Chacune de ses nouveautés porte un nom qui symbolise sa patrie polonaise et la lutte pour la fin de la tutelle soviétique. Il lui montre les supports en fer à béton qu’il a fabriqués et qui lui font de gagner de la place: une barre verticale parcourue de petits échelons horizontaux. C’est tout simple et ça ne coûte rien. Il est intarissable. Et Raymond, passionné, photographie tout ce qu’il peut. |
Quelques heures plus tard, après avoir longuement remercié Frère Stefan, Raymond Evison quitte le couvent, heureux, une caisse dans les bras. Dedans sont rangées plusieurs boutures de clématites à grandes fleurs et une à petites fleurs, son trésor…
De retour en Angleterre, dans sa pépinière de Guernesey, il la cultive, la multiplie et l’observe. Chaque année il la trouve plus belle encore. Tant pis si la mode est aux grandes fleurs, il voudrait essayer de la commercialiser. Il en demande l’autorisation au Frère Franczak. C’est la sienne après tout. Mais Frère Stefan est sceptique. Il ne croit pas à son succès. Qu’Evison fasse comme il l’entend. Peu importe. Qu’il lui choisisse un nom aussi. Pour Raymond, c’est tout décidé ce sera ‘Polish Spirit’. En 1990, le stock est suffisant, il fonce !
Le succès est immédiat. Les jardiniers s’arrachent ‘Polish Spirit’ et dans la foulée, redécouvrent le charme des clématites à petites fleurs. Même la prestigieuse RHS, enthousiaste, lui décerne un AGM en 1993. La renommée du frère Stefan Franczak traverse le rideau de fer moribond. Il écrit de nombreux articles, livre des interviewes à la BBC et publie un livre sur les clématites en 1996.
En Pologne comme partout en Europe de l’Est, le rideau de fer se lézarde, le régime communiste tombe et les chars soviétiques s’en vont. Le Frère Franczak devrait être heureux. Son travail sur les clématites est internationalement reconnu et sa patrie enfin libérée. Pourtant, il se fait du souci. Beaucoup de soucis. C’est que la Compagnie de Jésus n’a plus besoin de son parc alibi pour conserver son terrain. Elle veut reprendre l’objectif qu’elle s’était fixé il y a presque 50 ans et construire l’église qui lui manque. Frère Stefan va être muté, il le sait, et les plans d’aménagement du parc sont déjà prêts. Il en fait part tristement à ses amis de l’International Clematis Society. Ceux-ci se mobilisent, mais le monde des passionnés de clématites n’est pas infini. Soixante lettres parviennent au supérieur du couvent. Celui se ravise en partie. Frère Stefan pourra rester à Varsovie, mais le projet est maintenu. Seuls quelques ares du jardin resteront à sa disposition tant que ses forces le lui permettent…..
Jim Fisk est mort en 2004. La pépinière de Raymond Evison prospère. Il a publié plusieurs ouvrages dont R. Evison, Clematis for small places, éd. Timber Press, s.l., 2007. Je pense que frère Stefan Franczak vit encore, mais je n'en suis pas sûre. Szczepan Marczyski et M. Piotrowski poursuivent son travail. Ils m'ont prêté deux des trois photos présentées sur ces deux billets. Je les en remercie. Chaque année, en juillet, lorsque 'Polish Spirit' fleurit, je suis émue... |
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