Le jardin, c'est tout !

Encore un massif jekyllien bleu

En juillet, je vous parlais du massif jekyllien bleu et printanier de Garden House. Les lames bleu roi des Iris y transperçaient joyeusement les jaunes chartreux et arrondis des euphorbes.

Cet après-midi, en farfouillant dans mes photos, je suis tombé sur un autre massif bleu, celui de Cothay Manor.

    

Pourtant printanier et jekyllien aussi, il est très différent. Tout en demi-teinte, il respire la douceur et l'intimité. Le bleu porcelaine des G. pratensis (?) s'harmonise avec des marguerites blanches, des sauges pourpres (Salvia officinalis 'Purpurascens'), des armoises grises (Artemisia ludoviciana), des carex bronze (Carex flegellifera ?) et est délicatement relevé par le nuage jaune doux des alchemilles (Alchemilla mollis).

    

Les formes, presque toutes en boules et en rondeurs, sont reposantes, et les sauges mangent l'allée centrale pour en gommer la rectitude.

     

Malgré les apparences, la technique est la même. Il y a peu de plantes différentes. Disposées le long d'une allée centrale, elles forment des touffes bien nettes et sont méthodiquement répétées pour poser le regard. Le centre est accentué tantôt par des couleurs plus vives (Garden House), tantôt par des formes plus nettes (Cothay Manor).

Euonymus grandiflorus Découvertes 2008/2

Dès notre première rencontre, ce fut le coup de foudre. Je m'en souviens très bien. C'était à Celles au stand de Philippe Leclercq. Malgré la grisaille et la pluie qui dégoulinait sur mes lunettes, j'ai été happée par son éclat.

    

Ses fruits vert rosé, sur fond de feuilles vert bourgogne me fixaient. Je n'ai pas osé céder à la fascination. J'ai eu peur de cet émoi subit. J'ai retenu son nom, c'est tout. Les jours ont passé et je ne l'ai pas oublié. Au contraire. Je me suis renseignée. On m'a dit de lui qu'il était résistant au froid et à la sécheresse, persistant en climat doux et son aspect automnal très fidèle d'années en années. Et plus je lisais, plus il me manquait.

    

Il fallait le retrouver. J'ai téléphoné chez Philippe Deprez (1), pépiniériste passionné par les fusains. Par chance, il l'avait. J'ai filé jusque chez lui. Et ils étaient là. Je dis "ils" parce que Ph. Deprez en avait préparé deux, Euonymus grandiflorus et E. g. 'Red Wine'. Après examen attentif, j'ai préféré E. grandiflorus tout court. E. g. 'Red Wine' a les feuilles d'automne plus rouge encore, mais elles pendouillent un peu tristement. Je suis revenue avec mon trésor. Depuis, il ne m'a jamais déçue. Au contraire, chaque automne, il me séduit davantage!

(1): "Fleurs de pré", rue du Tchéseau, 7, B-5580 Ave-et-Auffe (Belgique)

Crêtes de coq pour prairies fleuries.

Vous souriez devant vos écrans...Vous vous demandez quelle bizarrerie me passe encore par la tête. Vous connaissez les prairies fleuries, un peu moins les crêtes de coq, mais vous ne voyez pas du tout le rapport entre les deux. Laissez-moi vous expliquer.

    

Cette année j'ai eu un petit pincement au coeur devant les prairies anglaises. Superbes, elles valaient bien celles du "Printemps" de Botticelli et de l' "Agneau mystique" de Van Eyck. Mais la mienne, en supposant qu'elle aie jamais existé, se meurt.

    

Pour qu'une prairie fleurisse, il faut un sol pauvre. Et s'il ne l'est pas assez, il faut le décaper sur plusieurs cm de profondeur ... Persuadée que ma terre légère et schisteuse était bien assez anémique, par paresse aussi, j'ai jugé qu'il ne fallait rien faire. J'ai planté ou semé des vivaces et des graines récoltées dans la nature proche. Pendant un an ou deux, j'y ai cru. Des chicorées, des centaurées, des vipérines, et des achillées millefeuilles ont commencé à s'établir et même à se multiplier. Mais depuis deux étés, les graminées reprennent du terrain et étouffent leurs concurrentes.

    

Désemparée, j'ai relu mes classiques (*), et c'est comme cela que j'ai découvert l'existence et l'utilité des crêtes de coq, alias Rhinanthus minor.  Pas plus hautes que trois pommes, ces scrophulariacées jaunes ont des racines munies de suçoirs qui s'aggripent aux racines des voisines pour pomper leur sève. Et leurs victimes de choix sont les graminées qu'elles affaiblissent très sûrement....

    

Me voilà donc à la recherche de ce semi-parasite abondant dans toute l'Europe occidentale sauf par ici. Si vous connaissez un grainetier qui en vend des semences, ou s'il en pousse près de chez vous, je suis prête à négocier! 

Stachyurus praecox. Découvertes 2008/1

A l'automne dernier, j'avais entrepris de vous parler de mes cinq plus belles découvertes 2007. Il ne s'agissait pas d'introductions récentes, mais de plantes que j'avais appris à apprivoiser et dont j'imaginais mal me passer à l'avenir. Je remets ça cette année et le premier élu du crû 2008 est sans conteste le Stachyurus praecox.

J'ignorais à peu près tout de cette famille d'arbustes extrêmes orientaux, jusqu'à ce qu'une amie, à qui je vantais les mérites des Hamamelis, m'avoue préférer de loin les Stachyurus. Intriguée, j'ai feuilleté des bouquins, scruté le net et me suis baladée à Meise au printemps. C'est ainsi que le Stachyurus s'est installé dans mes pensées et au bas de la liste des plantes recherchées....

  

En 2004, à Celles, j'ai fini par dénicher un S. praecox pour 2€. Vous avez bien lu, pour 2€. Un producteur hollandais (Hulsdonk) sillonne régulièrement les fêtes des plantes belges et françaises pour proposer des petits plants, tout juste bouturés, semés ou greffés, à des prix aussi menus que les plantules. J'ai forcément sauté sur l'occasion et ai pris le risque de le planter directement en pleine terre, tout au bout du jardin, à l'orée du futur sous-bois puisqu'il préfère la mi-ombre. Tant pis si le sol est légèrement calcaire pour cet acidophile. C'était ça ou rien. Pendant 3 ans je l'ai regardé pousser, assez vite d'ailleurs. En mars 2007, il a émis ses premiers boutons de fleurs, mais trois jours plus tard, ils étaient grillés par une forte gelée!

    

En mars 2008, le miracle a eu lieu. Avec beaucoup d'élégance, il a déployé de longues grappes jaune pâle le long de ses rameaux rougeâtres. La luminosité dégagée est à la fois forte et délicate, en parfaite harmonie avec la saison.

Il existe d'autres variétés: S. chinensis, S. japonicus, S. loncifolius et je viens tout juste d'acquérir S. himalaicus que l'on dit peu rustique. 'Céline' est un cultivar de S. praecox obtenu par J. De Belder à Essen dont on dit le plus grand bien, mais je ne l'ai jamais vu.

Je ne trancherai pas l'inutile débat entre Hamamelis ou Stachyurus. ce sont tous deux des arbustes de taille moyenne, qui, l'un puis l'autre, illuminent délicieusement nos jours les plus sombres.

PS: ces photos ont été prises à Herkenrode, mais le mien est presque aussi beau. J'ai simplement loupé toutes les photos que j'en ai prises.

Les jardiniers des villes ...

Nous venons de passer un bon grand week-end comme je les aime. A force de fréquenter les forums, groupes de discussion et blogs divers, j'ai rencontré des jardiniers encore plus dingues que moi. Certains sont devenus des amis. Et deux ou trois fois par an, je reçois un mail qui commence toujours à peu près de la même manière: "Tiens, si on on faisait une petite virée par là ? Y a de quoi voir, tu sais! "  Et hop, nous fonçons, et revenons à chaque fois ravis. Cette fois, ce fut dans le Tarn. Le programme était plus architectural que jardinier.

    

Entre la cathédrale d'Albi, Toulouse-Lautrec, le jardin des paradis à Cordes sur Ciel, le vin de Gaillac et les Bastides, nous avons beaucoup appris, discuté passionnément, bien mangé et beaucoup ri. Entre-temps, mon oeil jardinier - qui ne me quitte jamais - s'est ému du travail discret des jardiniers municipaux.

J'ai d'abord été attirée par les modestes jardinières placées devant l'abbaye-école de Sorrèze. Les blancs, bien choisis, simples et discrets adoucissent l'austère façade.

    

Euphorbia 'Diamond Frost', Carex, Thymus, et ... Begonia (!)

A Albi, les sauges plantées à l'entrée du palais de la Berbie scintillent à côté des gauras et des Bégonias! Les mêmes trônent au centre du jardin épiscopal dessiné par Le Nôtre.

    

Salvia farinaceae, Salvia guaranatica (?), Gaura, et ... Begonia (!)

     

A Gaillac, nous nous sommes promenés dans le jardin italien du Parc de Foucaud. J'ai demandé à l'architecte responsable de la restauration des bâtiments qui nous guidait, quel était le paysagiste qui organisait les plantations. Personne me dit-il! Ce sont les jardiniers de la ville qui s'en occupent.

    

Cosmos sulphureus, persil japonais, rudbekia, zea, lantana....

Chapeau bas Messieurs les jardiniers des villes, les jardiniers-pour-tout-le-monde! Dans ma région, peu sont conscients du bien qu'ils pourraient nous faire. L'opinion et les pouvoirs publics qui s'en fichent, ne les stimulent guère. Mais ces quelques exemples prouvent qu'il existe bel et bien des jardiniers communaux convaincus de leur rôle social. N'est-il pas nécessaire de glisser de la légèreté et du fragile, de l'élégant et du fugace dans nos allées et venues pressées et bétonnées ?

A nous de le remarquer et de les encourager.

PS: j'en profite pour remercier les organisateurs de ce week-end et pour faire un petit clin d'oeil à Marie qui se posait des question à propos des rencontres entre jardiniers virtuels ....